Fouille sur le site du Mas des Tourelles - 2020
Par 2aec2a | Le 10/06/2020 | Commentaires (0) | Juin 2020
L’atelier d’amphores du Mas des Tourelles : présentation du site et objectifs de la campagne 2020
1. Nature, période et importance scientifique du site du Mas des Tourelles
Le site du Mas des Tourelles se situe à 4 km au sud-ouest de l’agglomération de Beaucaire à la limite du lit majeur du Rhône. Au cours de la seconde moitié du Ier s., un atelier de potiers est installé sur ce site qui est occupé dès la période augustéenne d’après le mobilier mis au jour en prospection. Cette officine est en activité au moins jusqu’à la seconde moitié du IIe s, mais l’occupation des bâtiments artisanaux au IIIe s. pourrait indiquer une poursuite de la production jusqu’à cette période. Les fouilles des structures permettent par ailleurs de restituer son organisation interne ; l’espace est ainsi divisé en plusieurs pôles destinés à la fabrication, à la cuisson, au stockage des productions ou au rejet des rebuts, mais il comprend également des secteurs accueillants l’habitat des artisans et des activités agricoles.
L’atelier du Mas des Tourelles revêt une importance majeure pour la connaissance de l’artisanat dans la basse vallée du Rhône à l’époque romaine car il constitue la seule officine d’amphores de cette région dont les structures ont été presque intégralement mises au jour. Qui plus est, en dépit des nombreux ateliers d’amphores attestés dans le sud de la Gaule, seulement quatre ont fait l’objet d’une étude approfondie (le Clots de Raynaud à Sallèles d’Aude, Contours à Saint Pargoire, ainsi que L’Estagnola et Saint-Bézard à Aspiran). Or, ils se situent tous dans la partie orientale de la province de Narbonnaise, dont le rôle est secondaire par rapport à la vallée du Rhône, d’après les recherches récentes[1]. La poursuite des recherches au Mas des Tourelles fournit de précieux éléments pour analyser les analogies et les différences entre l’organisation, la structuration et les productions d’une fabrique située au cœur du grand commerce du vin de Narbonnaise et celles localisées à la périphérie de ce trafic.
De plus, le signalement d’une huilerie, d’un probable chai et d’une hypothétique aire de poissage représente une singularité pour un centre de fabrication d’amphores en Narbonnaise. Il est de ce fait capital de documenter ces aménagements par des plans et d’étudier leur chronologie afin de s’assurer de la contemporanéité de leur fonctionnement et de celui de l’activité potière. Enfin, l’atelier du Mas des Tourelles représente l’un des rares centres de fabrication à disposer de grands dépotoirs qui couvrent toute sa période de fonctionnement. L’étude du mobilier céramique de ces derniers permet ainsi de mettre en évidence le répertoire de l’atelier pour chaque phase de fonctionnement de l’officine. Ce travail est d’autant plus important que les productions de céramiques à pâte calcaire de la basse vallée du Rhône demeurent extrêmement mal connues. La chrono-typologie des céramiques du Mas des Tourelles permettra ainsi à la communauté scientifique de disposer d’un référentiel pour les études céramologiques menées dans ce secteur géographique. En outre, l’étude des dépotoirs du Mas des Tourelles permettra de recueillir les charbons issus des rejets de foyers. L’étude anthracologique de ces charbons, bien datés par la stratigraphie, apportera de précieuses données pour appréhender l’approvisionnement en combustible des potiers et par extension restituer l’environnement autour du site entre la seconde moitié du Ier et la seconde moitié du IIe s.
2. Objectifs de la campagne 2020
La campagne 2020 se déroulera du 3 au 21 août 2020. Elle s’inscrit dans la continuité des recherches entreprises en 2019. Elle vise par ailleurs à vérifier les hypothèses formulées en 2004 à propos de l’existence d’installations viticoles et oléicoles. J.-M. Ignace signale en effet avoir mis au jour en 2004 un pressoir à l’est du quartier de potiers occidental (Ignace 2004). Les objectifs sont donc multiples.
La fouille partielle de plusieurs dépotoirs nous renseigne sur le répertoire de l’atelier. La poursuite de la fouille de ces derniers et de ceux uniquement décapés en 2019 permettra de préciser l’évolution du répertoire céramique, ainsi que de la production des matériaux de construction au sein de l’atelier. De plus, la mise au jour d’autres estampilles offrirait la possibilité d’approfondir la réflexion sur le statut de l’atelier, et d’identifier la succession des propriétaires durant toute la période de fonctionnement de ce centre de production des Tourelles.
La fouille 2019 a par ailleurs mis en évidence plusieurs aménagements de potiers (fosses de stockage d’argile, fours) et des bâtiments qui pourraient correspondre à des espaces de tournage. Les hypothèses émises doivent toutefois être confirmées ou infirmées par la poursuite des opérations. Ainsi, la fouille de l’intégralité de la stratigraphie conservée dans les espaces permettra de mettre en évidence certaines structures caractéristiques telles que des tours de potier. De plus, l’élargissement de la zone investiguée vers l’ouest, à l’emplacement de la grande décharge dans laquelle de premiers sondages ont été réalisés en 2019, permettra sans doute de dégager d’autres fosses de stockage de l’argile. Or, celles-ci sont comblées par un abondant mobilier qui donne des datations précises de leur comblement. Ces chronologies permettront de définir durant quelle phase de l’atelier ces fosses de stockage ont été utilisées et aborder ainsi une réflexion sur les volumes d’argile utilisés pour fabriquer les céramiques et terres cuites architecturales.
La fouille 2020 aura également pour but de décaper les deux espaces dans lesquels le pressoir a été découvert en 2004. Cette opération aura pour but d’identifier et de documenter précisément la nature des vestiges conservés dans ces pièces.
En complément un décapage mécanique de 150 m2 sera réalisé entre les deux secteurs construits du site qui ont déjà fait l’objet d’investigations. La fouille de cet espace permettra de mieux appréhender les relations qu’entretiennent ces ensembles bâtis dont l’orientation diffère. Ce travail, couplé à la fouille des installations viticoles et/ou oléicoles identifiées de part et d’autre de la berme permettrait par ailleurs d’appréhender dans son ensemble les installations agricoles qui pourraient se développer sur toute la partie occidentale du site, à une époque où l’atelier d’amphores serait localisé plus à l’est (quartier oriental).
Des prospections géophysiques seront par ailleurs réalisés au sud de la parcelle fouillée afin de déterminer la limite méridionale du site. Certains murs révèlent en effet que l’ensemble bâti occidental se développe dans ce secteur, tandis que les prospections de surface révèlent la présence de mobilier jusqu’à une distance d’une trentaine de mètres au sud de la limite de fouille actuelle. En outre, le grand égout collecteur du quartier artisanal se développe également dans cette direction. Or, si la campagne 2019 a permis de mettre en évidence les fosses de stockage d’argile, la localisation des bassins dédiés au traitement de cette matière première demeure inconnue. L’adduction d’eau vers ce secteur constitue un indice en faveur de leur présence au sud de l’atelier. Les prospections géophysiques permettraient d’étayer cette hypothèse ou au contraire de la réfuter.
De surcroît, un décapage général du quartier oriental de l’atelier sera réalisé. En effet la campagne 2019 a montré que ce qui avait été interprété comme le substrat géologique correspond dans plusieurs secteurs à des remblais. Or, le fonctionnement d’un atelier nécessite la présence d’eau fournie par une rivière ou des puits. Aucune rivière ne coulait au Mas des Tourelles durant l’Antiquité, c’est pourquoi des puits ont vraisemblablement été construits pour puiser l’eau de la nappe phréatique présente à seulement 4 m du niveau actuel. Le décapage du secteur occidental pourrait permettre de mettre en évidence un ou plusieurs de ces puits. Les négatifs des tours de potier pourraient également être identifiés sous ces potentiels remblais, ce qui permettrait de déterminer la fonction des espaces du « quartier de potiers ».
Enfin, plusieurs charbons mis au jour dans les dépotoirs et les niveaux de fonctionnement des fours seront datés par 14C. Une analyse archéomagnétique du four FR5 est également envisagée. La mise en corrélation de ces datations avec la stratigraphie et la datation du mobilier permettra de préciser la chronologie générale de l’atelier, ainsi que son phasage.
En complément de ces opérations de terrain, un inventaire du mobilier mis au jour lors des fouilles des années 1980 et des années 2000 sera réalisé au cours de l’année 2020 afin de compléter l’étude des productions de l’atelier. Des analyses physico-chimiques des amphores bien datées sont également envisagées afin de compléter la caractérisation chimique des conteneurs de l’officine. L’analyse de lots bien datés permettra ainsi d’observer d’éventuelles évolutions des carrières d’approvisionnement d’argile de l’atelier.
3. Conditions d’inscription et déroulement de la campagne
La participation à la campagne de fouille demande plusieurs conditions :
-Vaccin antitétanique à jour
-Port de chaussures de sécurité
-Adhésion à l’association 2AEC2A (nécessaire pour profiter de l’assurance de l’association – coût : 5 euros)
L’épidémie de COV-ID 19 exige par ailleurs la mise en place de mesures exceptionnelles afin d’assurer la sécurité sanitaire de chacun :
-Le logement ne pourra pas être assuré, aussi chaque bénévole devra dormir chez lui.
-Chaque bénévole doit venir par ses propres moyens sur le chantier
-De même, chacun devra amener son déjeuner.
L’association fournit en revanche à chaque bénévole :
-Un jeu d’outils de fouille
-3 masques par jour
-Gel hydro-alcoolique
-Gants
-Lunettes de protection
La fouille a lieu du lundi au vendredi.
Le matin est consacré à la fouille des vestiges (à partir de 7 h) et l’après-midi à la post-fouille ou à des sorties culturelles.
[1] F. Laubenheimer, A. Schmitt, Amphores vinaires de Narbonnaise. Production et grand commerce, TMO, 51,éditions de la Maison de la Méditerranée et de l’Orient, Lyon, 2009.
F. Bigot, Nouvelles données, nouvelles réflexions sur la production et la diffusion des amphores gauloises à partir de contextes portuaires et littoraux de Gaule Narbonnaise (Ier s. av. – IVe s. ap. J.-C.), Thèse de doctorat, université Montpellier Paul Valéry, 2017, 4 vol., Inédit.
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